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Françoise Dolto et Jacques Lacan : une filiation psychanalytique singulière

Françoise #Dolto, élève singulière de #Lacan : une #psychanalyse à l'écoute de l'#inconscient des #enfants, entre structure et genèse du #sujet.

Françoise Dolto : une révolution dans la psychanalyse de l'enfant

Françoise Dolto (1908-1988) est une figure incontournable de la psychanalyse française du XXe siècle. Pédiatre et psychanalyste d'enfants, elle a profondément renouvelé l'approche clinique et théorique de l'inconscient infantile. Son parcours est indissociable de celui de Jacques Lacan (1901-1981), dont elle fut l'élève et la disciple avant de s'en démarquer progressivement.

C'est au début des années 1930 que Dolto fait la connaissance de Lacan. Elle suit son séminaire et s'initie à son enseignement qui opère un "retour à Freud" en relisant l'œuvre du fondateur de la psychanalyse à la lumière de la linguistique structurale. Lacan met l'accent sur le rôle fondamental du langage et de l'ordre symbolique dans la structuration de l'inconscient et du sujet. Il élabore une théorie du "stade du miroir" qui rend compte de la formation du Moi à partir de l'image spéculaire.

Dolto adhère à ces concepts lacaniens qu'elle intègre dans sa propre pratique avec les enfants. Comme Lacan, elle accorde une place centrale à la parole et au déchiffrage du sens inconscient des symptômes. Elle partage l'idée que l'inconscient est "structuré comme un langage" et que le travail analytique vise à en dénouer les signifiants. La cure est conçue comme un processus de symbolisation permettant au sujet de se dégager de la répétition et de l'aliénation à ses identifications imaginaires.

Mais Dolto va aussi développer des apports originaux qui la distinguent peu à peu de l'orthodoxie lacanienne. Là où Lacan privilégie une approche structurale de la subjectivité, Dolto s'intéresse davantage à sa genèse et à ses vicissitudes dans le lien intersubjectif précoce à la mère. Elle explore les enjeux affectifs et fantasmatiques de la relation d'objet, les angoisses de séparation et les conflits liés aux pulsions prégénitales (orale, anale).

Son expérience auprès des enfants la conduit à mettre l'accent sur l'importance du corps et du langage infraverbal dans les interactions précoces. Elle élabore les notions d'"image inconsciente du corps" et de "castrations symboligènes" pour rendre compte du rôle structurant des échanges sensoriels et langagiers avec l'entourage dans la construction psychique du tout-petit. Là où le "stade du miroir" lacanien met l'accent sur l'avènement d'un sujet clivé et désirant, l'"image inconsciente du corps" doltoienne souligne la continuité du sentiment d'existence à travers le holding et le handling maternels.

Sur le plan de la technique psychanalytique, Dolto se démarque également de Lacan. Avec les enfants, elle utilise une grande variété de médiations, comme le jeu, le dessin, les comptines ou les contes, qui favorisent l'expression de l'inconscient sur un mode figuratif et ludique. Elle pratique le "squiggle", sorte de libre association graphique à deux, pour entrer en résonance avec les mouvements psychiques de l'enfant. Là où Lacan centre la cure sur l'interprétation signifiante et la scansion des séances, Dolto accorde une large place aux phénomènes de transfert et au déploiement du processus associatif.

Enfin, l'engagement de Dolto auprès du grand public constitue une différence notable avec Lacan. Soucieuse de "démocratiser" la psychanalyse, elle multiplie les ouvrages de vulgarisation, comme "Tout est langage" ou "La Cause des enfants". De 1976 à 1978, elle anime une émission de radio, "Lorsque l'enfant paraît", qui rencontre un immense succès populaire. Avec un langage simple et imagé, elle y délivre un message d'écoute et de respect de la vie psychique et sexuelle des enfants. Lacan, de son côté, réserve son enseignement à un public restreint et ne cherche pas à le diffuser au-delà des cercles spécialisés.

En définitive, si Dolto s'inscrit indéniablement dans le sillage de Lacan, elle affirme aussi une identité singulière au sein du mouvement psychanalytique. Son œuvre apparaît comme une tentative pour articuler les dimensions structurales et génétiques de la subjectivité, en accordant une place centrale au corps, aux interactions précoces et à la dynamique relationnelle et fantasmatique inconsciente. Sa pratique auprès des enfants l'amène à assouplir le cadre de la cure type et à inventer des dispositifs cliniques originaux. Son souci de transmission et de pédagogie la distingue enfin de la figure plus ésotérique de Lacan. Au-delà d'une simple filiation, c'est un dialogue fécond et complexe qui se noue entre ces deux monuments de la psychanalyse française.

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