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Lacan et le féminin : une jouissance au-delà du phallus

La femme, continent noir de la psychanalyse ? Lacan pense le #féminin au-delà du phallus, comme jouissance Autre subversive. Une théorie à (re)découvrir !

Jacques Lacan : une relecture psychanalytique du sujet, du langage et du désir

Le féminin a toujours été une énigme pour la psychanalyse. Freud avouait son embarras face à la question "Que veut une femme ?". Lacan, lui, a tenté d'aller plus loin en proposant une théorie originale de la différence des sexes qui ne se réduit pas à l'anatomie.

Dans ses célèbres "formules de la sexuation", Lacan distingue deux positions subjectives : la position masculine et la position féminine. Il ne s'agit pas d'une différence biologique entre hommes et femmes, mais de deux modes de jouissance par rapport à ce qu'il appelle la fonction phallique.

Le phallus, dans la théorie lacanienne, n'est pas l'organe anatomique mais un signifiant, symbole du désir et du manque. C'est l'étalon symbolique auquel se mesure l'identité sexuée. Du côté masculin, le sujet se range entièrement sous la loi du phallus. Il est tout entier soumis à la "castration symbolique", c'est-à-dire qu'il accepte la perte de la jouissance absolue au profit du désir conditionné par le langage.

Mais Lacan affirme qu'il existe aussi une part de la subjectivité qui échappe à la castration phallique. C'est la position féminine. La femme est "pas-toute" dans la fonction phallique. Il y a chez elle un reste, un supplément de jouissance qui excède le registre du phallus et du langage. Lacan parle d'une "jouissance Autre", ineffable et illimitée, au-delà de la jouissance phallique.

Cette part féminine qui échappe à la signification phallique, Lacan la qualifie d'"altérité radicale". La femme est Autre absolu, continent noir, gouffre et ravage. Elle incarne ce qui résiste à être complètement subsumé sous les catégories langagières. D'où le mystère et la fascination qu'elle exerce.

Avec son concept de jouissance féminine supplémentaire, Lacan ouvre des perspectives nouvelles pour penser le féminin au-delà du phallus. Il nous invite à ne pas réduire la féminité à un négatif du masculin (passivité, réceptivité, manque...) mais à l'envisager comme une positivité irréductible.

Bien sûr, cette jouissance autre dont parle Lacan a un côté inquiétant, voire ravageant. Elle évoque la Chose innommable, le sans-limite, la folie. Mais elle est aussi promesse d'un au-delà du manque, d'un absolu qui défie les limites de la castration. C'est en quoi la féminité, chez Lacan, est porteuse d'un pouvoir de subversion des normes phalliques.

On a parfois reproché à Lacan de faire de la femme une figure idéalisée et essentialisée, un continent noir impénétrable. Mais son approche a le mérite de donner au féminin une consistance propre au lieu d'en faire un simple revers du masculin. Avec Lacan, la différence des sexes devient une dissymétrie radicale, qui ne se laisse pas résorber dans une logique binaire.

Penser le féminin comme Autre absolu, c'est reconnaître une part d'altérité et d'énigme au cœur même de l'identité sexuée. C'est admettre que le rapport sexuel est fondamentalement dissymétrique, hanté par un reste inassimilable. "Il n'y a pas de rapport sexuel", dit Lacan, car la jouissance de l'un n'est jamais complètement complémentaire de celle de l'autre.

La théorie lacanienne de la sexuation a ainsi des implications profondes quant à la manière de concevoir le désir, l'amour et les relations entre les sexes. Elle invite à se déprendre d'une vision de la complémentarité harmonieuse pour accepter la part de malentendu et de ratage inhérente à toute rencontre.

Avec ses formules, Lacan ne prétend pas dire le dernier mot sur la féminité. Au contraire, il en fait le lieu d'un questionnement à poursuivre, d'un "continent noir" toujours à explorer. La psychanalyse, comme la poésie, se fait l'écho de cet inépuisable féminin qui excède le savoir et relance sans cesse le désir.

Le féminin lacanien n'est réductible ni à une essence, ni à une construction sociale. C'est une "jouissance Autre" qui vient trouer l'ordre phallique et rappeler que l'identité sexuée n'est jamais une évidence, mais une question ouverte. En ce sens, la théorie de Lacan est un puissant antidote contre les stéréotypes et les normes rigides. Elle nous enjoint à accueillir l'énigme du féminin comme une altérité féconde au cœur de la psyché.

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