Aller au contenu

Le signifiant et le signifié : les clés de la théorie linguistique de Lacan

Le signifiant est roi, le signifié se dérobe toujours. Lacan révèle un inconscient structuré comme un langage qui nous parle et nous divise. Vertigineuse liberté d'un sens qui fuit !


La théorie linguistique de Jacques Lacan a révolutionné la psychanalyse au 20ème siècle. Au cœur de sa pensée se trouvent deux concepts fondamentaux hérités de Saussure : le signifiant et le signifié. Comprendre leur articulation est essentiel pour saisir l'apport de Lacan.

Le problème du sens

Le langage est souvent considéré comme un simple outil de communication, où les mots seraient les étiquettes des choses qu'ils désignent. Pourtant, cette conception se heurte à de nombreuses difficultés. Les mots sont polysémiques, changeants selon les contextes. Le sens semble nous échapper sans cesse. C'est tout le problème du rapport entre les mots et les choses, entre le langage et le réel, que Lacan va repenser grâce aux notions de signifiant et de signifié.

L'autonomie troublante du signifiant

Lacan opère un renversement majeur par rapport aux conceptions classiques du langage. Pour lui, le signifiant - le mot, l'élément matériel du langage - n'est pas secondaire mais premier. Le signifiant préexiste au sujet parlant et le détermine à son insu. Loin d'être de simples véhicules du sens, les signifiants s'enchaînent selon une logique qui échappe au locuteur. Ils "représentent le sujet pour un autre signifiant", formant l'inconscient structuré comme un langage. Le primat du signifiant implique que le sujet n'est pas maître de son dire. Il est parlé plus qu'il ne parle. Les mots le traversent et le divisent, faisant de lui un être de langage, un "parlêtre". Cette autonomie du signifiant est à la fois fascinante et angoissante.

Un signifié insaisissable

Si le signifiant règne en maître, qu'en est-il alors du signifié, du sens? Lacan rompt avec l'idée d'un signifié immuable qui préexisterait à la langue. Pour lui, le signifié n'est pas un contenu fixe mais un effet du signifiant. Le sens est toujours fuyant, mobile, produit par le jeu des signifiants qui ne cessent de renvoyer les uns aux autres. Lacan parle ainsi d'une "barre" entre signifiant et signifié, d'une coupure irréductible. Impossible de figer la signification qui se dérobe toujours. Le sens courant derrière le sens, telle est la découverte troublante de Lacan. Le signifié glisse sous le signifiant, se défile à l'infini. Vouloir le capturer est vain. Il faut plutôt prendre acte de cette fuite du sens, de son caractère évanescent.

Conséquences pour le sujet

Cette suprématie du signifiant éclaire d'un jour nouveau la condition humaine. L'être parlant est d'abord un être parlé, assujetti à un ordre symbolique qui le précède. Son désir est modelé par les signifiants de l'Autre, par les discours qui l'entourent. En témoignent les lapsus et les mots d'esprit, où s'entend à notre insu un dire qui nous échappe. Nous sommes des "manques-à-être" qui courent après un sens qui se refuse. Là réside le drame du sujet, toujours en quête d'un signifié dernier qui comblerait son manque. Mais cette quête est vouée à l'échec. Le sujet doit consentir à la perte, à l'incomplétude du langage et du désir. La cure analytique vise à le réconcilier avec cette part d'indicible en lui. Non pas guérir par le sens mais accepter le non-sens qui nous habite.

En conclusion

Avec les concepts de signifiant et de signifié, Lacan renouvelle en profondeur notre rapport au langage. Il nous montre que nous sommes parlés avant d'être parlants, sujets de l'inconscient avant d'être sujets de la conscience. Cette dépossession est angoissante mais ouvre aussi à une liberté nouvelle : celle d'un jeu avec les signifiants, d'une poésie qui assume la fuite du sens. La psychanalyse lacanienne est une invitation à déjouer le semblant, à s'aventurer dans les failles du langage pour y entendre une vérité singulière. Là où le signifiant échoue à dire l'être, un désir peut surgir, au-delà des mirages du sens.

Liens intéressants :

Dernier